Interview pilote de drift : Nicolas Dufour

Nicolas Dufour pilote de drift
Nicolas Dufour, un pilote incontournable du drift français qui a la compétition dans le sang.

Il est l’une des personnalités marquantes du milieu du drift professionnel depuis plusieurs années, un amoureux de BMW old-school qui donne bien du fil à retordre à ses concurrents grâce à son sérieux coup de volant et son sens affûté du réglage. On vous propose d’en apprendre plus sur Nicolas Dufour au travers de cette interview qui revient notamment sur ses débuts en compétition, ses succès en Championnat de France de Drift, ses meilleurs souvenirs et bien plus encore…

Interview réalisée le 07/09/2021.

DriftShop : Peux-tu te présenter en quelques mots ?

Nicolas : Alors, j’ai 33 ans, j’habite un petit village à côté de Nîmes dans le sud de la France, et j’adore les sports mécaniques. J’ai commencé par le motocross, le karting, et j’ai attaqué le sport auto en 2007 par de la course de côte en ligue Languedoc-Roussillon avant de passer en Championnat de France en 2012. Et à la fin de cette année-là, j’ai été vice-champion de France de la montagne en Coupe Clio Cup.

Comment es-tu devenu pilote de drift ? Qu’est-ce qui t’a plu dans cette discipline ?

J’ai disputé ma première compétition en 2010 avec une E30, comme ça pour essayer, et ça m’a bien plu. Mais j’attendais que la discipline passe en fédéral pour sauter le pas. J’ai donc vraiment attaqué le drift en 2014 en faisant deux courses puis le Championnat de France de Drift complet à partir de 2015.

J’ai toujours aimé le pilotage spectaculaire. En karting déjà, quand on va vite il y a de la glisse. Et c’est quelque chose que je n’ai pas retrouvé dans d’autres disciplines, cette glisse permanente, et ça m’a assez frustré quand je faisais de la course de côte. On avait des voitures très performantes mais qui tenaient très bien la route, et forcément pour faire de bons chronos il fallait glisser le moins possible. Ma récréation donc, c’était de monter dans une voiture propulsion et de m’amuser avec !

Nicolas Dufour Championnat de France de Drift BMW E30 Calmont
Habitué des courses de côte, Nicolas est comme un poisson dans l’eau sur les touge !

Depuis mon plus jeune âge, j’ai toujours eu l’envie de devenir pilote professionnel. J’ai fait pas mal de repérages avec de bons résultats mais je n’ai pas pu percer, à cause des budgets astronomiques que ça demandait. Mais grâce au drift, j’ai pu réaliser mon rêve ! Ce qui m’a plu aussi dans cette discipline, c’est qu’on n’est pas très nombreux, la plupart des pilotes se connaissent. Et il n’y a pas de petit niveau, c’est de suite des bons pilotes.

Peux-tu nous résumer ton parcours ?

Comme je l’ai dit, j’ai disputé mon premier Championnat de France de Drift complet en 2015. J’ai été élu “rookie de l’année” grâce à ma 5e place au championnat pour ma première participation, à noter au passage que j’avais loupé une manche suite à la casse de mon moteur à Essay. A la fin de la saison j’ai été contacté par un sponsor américain, Voodoo Ride, et j’ai signé avec eux pour deux ans. En 2016, comme j’étais dans de très bonnes conditions et que j’ai pu me concentrer sur ma préparation, j’ai gagné le titre.

Nicolas Dufour Championnat de France de Drift BMW E30 Albi
Nicolas lors de la finale du Championnat de France de Drift 2016 à Albi.

2017 a été plus compliquée, on a enchaîné pas mal de problèmes électroniques et mécaniques, et j’ai terminé 6e du championnat. Cette année j’ai aussi pu signer un contrat avec Nankang, ce qui m’a permis de rouler davantage, notamment en King of Europe sur l’Anneau du Rhin, à Lignières et aux Sept Laux, et aux Drift All Stars à Tours. Grâce à mes partenaires j’ai pu monter une boîte de vitesses séquentielle en 2018, mais une des pièces n’était pas à la bonne cote donc j’ai dû déclarer forfait à Croix-en-Ternois. Malgré ça j’ai quand même pu faire une bonne saison en finissant vice-champion de France.

En 2019, la réglementation a évolué et je n’ai pas pu me mettre en conformité cette saison à cause du tablier que j’avais découpé pour faire passer le moteur de M3 E46. Je n’ai pas pu trouver une E30 donneuse d’organes à temps, mais j’ai été invité à pas mal d’événements, donc j’ai fait des ouvertures de courses de côte, des démos lors des spéciales du RallyCircuit au Paul Ricard, des salons… J’ai d’ailleurs remporté le Gymkhana Drift pendant le Salon de Genève.

En 2020, j’ai pu trouver la pièce qu’il me fallait pour faire les modifications sur la voiture et revenir en Championnat de France de Drift. J’ai fini 7e cette saison, forcément le niveau avait énormément augmenté, autant les préparations des voitures que les pilotes. J’ai quand même fait quelques coups d’éclat, comme lors des qualifs de la première manche où j’ai maintenu la pole jusqu’à ce que Benjamin Boulbes passe avec très peu de décalage, ou ma deuxième place à Calmont après une grosse bataille contre Axel François. Mon objectif était le top 10 cette année, donc j’étais satisfait.

Dans quelle(s) compétition(s) es-tu engagé cette saison et quelles sont tes attentes ?

Cette année, je suis engagé uniquement en Championnat de France de Drift. J’ai débuté la saison sans savoir si j’allais pouvoir rouler, je m’étais fracturé le métacarpe de la main droite peu avant la première manche. Ca s’est quand même bien passé, j’ai eu des résultats encourageants, notamment en qualifs. J’arrive encore à me défendre avec ma petite auto, et je vais tout donner jusqu’à la dernière manche.

Nicolas Dufour Championnat de France de Drift BMW E30 Croix en Ternois
A Croix-en-Ternois, Nicolas a réalisé de superbes performances en qualifications.

A part ça je suis invité depuis plusieurs années au Portugal pour le King of Europe, donc si j’ai la possibilité ça me dirait bien d’y aller. J’aimerais bien aussi aller rouler aux Drift Masters mais avec la E30 c’est compliqué pour l’instant.

Pourquoi as-tu choisi cette E30, la voiture que tu utilises actuellement ?

J’ai été baigné depuis que je suis petit dans le milieu des rallyes avec mon tonton et mon papa qui ont roulé avec des Opel Manta et des BMW. Mon père avait déjà loué dans un gros team une M3 E30 groupe A Prodrive, mon tonton en avait acheté une aussi. C’est une voiture que j’ai beaucoup conduite, j’ai toujours aimé son comportement. En plus elles ont un look un peu atypique, elles plaisent au public.

Je ne pouvais pas monter autre chose qu’une E30 pour faire du drift. J’en ai eu beaucoup que j’ai préparées pour la compétition, et j’en ai encore pour rouler sur la route, dont des 318iS. Quand je suis parti dans le drift, j’avais la voiture idéale dans ma tête. Je savais comment faire une E30 légère, passer au sol de la puissance…

Nicolas Dufour Championnat de France de Drift BMW E30 Calmont
Avec son S54 d’environ 350 ch, l’E30 n’est pas la plus puissante du plateau, mais elle reste malgré tout compétitive.

Le moteur de M3 E46 me faisait rêver depuis longtemps, donc je me suis dit qu’il me fallait obligatoirement une E30 avec ce moteur. J’ai construit la voiture en 2013 avec l’idée d’un projet un peu “low cost”, facile à préparer sans que ça me revienne trop cher.

Peux-tu nous parler de la préparation et des réglages de ta voiture ?

Je suis parti sur une base comme si je préparais une voiture de rallye. L’avantage, c’est que la réglementation en drift nous autorise à mettre tous les éléments en fibre, donc c’est ce que j’ai fait, même les portes. J’ai fait un train arrière de M3 groupe A, parce que ça me permet d’avoir les réglages nécessaires et c’est très costaud. Avec les retours que j’ai en rallye, je sais concevoir des pièces fiables pour le drift où il y a quand même moins de contraintes.

Les suspensions viennent de chez BC Racing suite à un partenariat avec la marque depuis 2018. Les jantes sont en magnésium et viennent aussi d’une M3 groupe A. Pour les freins, j’ai récupéré exclusivement de la pièce de M3 E46, avec des étriers Brembo de BMW de tourisme. Le moteur de M3 E46 a une gestion programmable et une ligne d’échappement d’origine que j’ai modifiée.

Nicolas Dufour Championnat de France de Drift BMW E30 Croix en Ternois
Pour sa préparation, cette E30 a reçu de nombreuses pièces d’origine d’autres modèles BMW et de groupe A.

A force, avec les années que j’ai en pilotage, j’arrive à régler les voitures comme il faut, et assez rapidement. Si je monte dans une voiture que je ne connais pas, je vais arriver à m’adapter en quelques tours, pour la comprendre et la prendre en main, et je peux facilement la développer. Quand j’ai commencé à rouler avec la BM, elle n’était pas du tout performante, les réglages de base n’étaient pas efficaces. Il m’a fallu bosser un peu sur les réglages mais très rapidement j’ai trouvé un setup, que j’ai toujours à l’heure actuelle.

Depuis 2014 où j’ai fait quelques tests avec, j’ai laissé la voiture dans la même configuration de réglages. Jusqu’à présent, je n’ai pas eu besoin de les retoucher, parce que le comportement me plaît et elle est performante sur les compétitions.

Quel est ton feedback sur les pneus Valino que tu as pu essayer cette saison ?

Jusqu’à récemment, j’étais en contrat avec Nankang. Mais c’était devenu compliqué par rapport à la dimension de mes pneus qui n’est pas courante (215/40/17 à l’avant, 225/45/17 à l’arrière), par rapport aux livraisons aussi. Puis DriftShop m’a proposé de rouler avec des pneus Valino, une marque que je connaissais un peu grâce à des vidéos de compétitions au Japon. Ce sont des pneus qui ont été développés pour le drift avec l’aide de bons pilotes, donc ça m’a intéressé. Après avoir regardé un peu, j’ai trouvé qu’ils avaient l’air sympa, mais pour des grosses autos. Je craignais un peu qu’ils absorbent toute la puissance de ma petite E30, mais j’ai voulu essayer.

Nicolas Dufour Championnat de France de Drift BMW E30 Croix en Ternois
Nicolas a pu découvrir les pneus Valino lors des deux premières manches à Croix-en-Ternois.

J’ai testé une dizaine de pneus à Croix-en-Ternois, des Pergea 08R en 215/40/17 à l’avant et 215/45/17 à l’arrière, et j’ai été agréablement surpris. Ils sont fabuleux par rapport à ce que j’avais avant, ils grippent énormément, après effectivement il me manque un peu de puissance. Du coup, ils ne conviennent pas à tous les tracés.

A Croix-en-Ternois qui est très rapide, si je n’avais pas été chaussé en Valino face à Jason Banet, je pense que je n’aurais pas décroché le One More Time. J’ai dû reprendre les réglages des amortisseurs pour que les pneus n’absorbent pas trop de puissance mais le comportement a été fabuleux. J’en suis très satisfait. J’ai hâte de pouvoir faire d’autres essais avec différents types de gommes.

As-tu une anecdote ou un souvenir en particulier à nous raconter ?

J’en aurais plein, mais il y en a trois qui m’ont fortement touché. Le premier souvenir, forcément c’est mon titre de champion de France, parce que la course était vraiment spéciale. J’ai fait de très mauvaises qualifs à la finale à Albi et je me suis retrouvé à affronter tous les anciens champions de France, donc j’ai passé Laurent Cousin, Antoine Amar, et je me suis retrouvé contre Francesco Conti en finale. J’ai fini deuxième mais c’est ce podium qui m’a offert le titre, à quelques points. Avec les paroles qu’avaient eues certains pilotes, c’était très mérité (rires).

Nicolas Dufour Championnat de France de Drift Albi
A l’issue de la saison 2016, Nicolas a été sacré champion de France de drift.

Deuxième anecdote, c’était en démonstration lors de l’ouverture d’une course de côte du Championnat d’Europe au col Saint-Pierre en 2017, où j’ai eu une personne qui est venue me féliciter sur la zone de départ. C’était Michèle Mouton, l’ancienne pilote de rallye. Elle était avec les observateurs de la FIA et ils m’ont vus arriver dans le dernier virage. Elle a demandé à me voir et m’a dit que ça faisait longtemps qu’elle n’avait pas vu de passage pareil sur une compétition. C’était très touchant venant d’une femme comme elle.

Et la dernière, c’était au RallyCircuit au Paul Ricard. Ils avaient mis des VIP avec nous, j’avais pris quelqu’un dans ma voiture, mais je ne savais pas qui c’était. Au début ça s’est un peu mal passé, la personne avait un gabarit un peu enrobé donc c’était assez compliqué de l’attacher dans le siège. Et je me suis énervé parce qu’il me disait d’y aller, et je lui disais non, qu’il fallait se mettre en sécurité avant de partir. On a rattrapé sur la liaison les collègues du drift qui étaient devant nous, et le monsieur m’a dit « Merci pour tout à l’heure, je suis le papa de Jules Bianchi. » Je m’en rappelle parce que j’avais vu son visage à la TV, et ça m’a fait tilt quand il m’a dit ça. Du coup il a fait une spéciale de 15 km avec moi dans la voiture, il s’est régalé et il est sorti avec les larmes aux yeux. Il m’a dit que même avec son fils quand il montait dans des grosses voitures sur circuit, c’était impressionnant mais pas comme ça. Il était très touché, c’était super émouvant.

Peux-tu nous parler de tes futurs projets ?

J’envisage peut-être de monter une nouvelle voiture pour remplacer la BM, parce que même si elle est encore assez compétitive, je trouve qu’elle manque de puissance maintenant. Je suis en train d’y réfléchir…

Nicolas Dufour Championnat de France de Drift BMW E30 Calmont
La BMW face à la Nissan d’Antoine Amar sur le touge de Calmont.

As-tu des personnes ou des sponsors à remercier ?

Je voudrais remercier mes sponsors et partenaires actuels, parce qu’on le dit souvent, sans eux rien ne serait possible. Et effectivement, c’est la vérité, je ne pourrais pas faire tout ce que je fais sans les aides qu’ils m’apportent. J’aime aussi travailler pour eux. Quand je parle avec un sponsor ou un partenaire, je leur fournis un travail. J’utilise ce mot parce que s’ils investissent sur nous avec des pièces ou de l’argent, forcément il faut qu’on fournisse un travail soigné pour les satisfaire.

Je remercie donc DriftShop, BC Racing France, Valino, AST Rollcages, Zamp, GT2i, Team KR Autosport, Racing Lubes et Mishimoto. Je remercie aussi ma famille et mes amis qui m’accompagnent sur les courses, qui viennent m’aider et font l’assistance.

Nicolas Dufour Championnat de France de Drift Albi
Nicolas lors d’une séance de dédicaces en 2016.

Tous nos remerciements à Nicolas pour sa gentillesse, sa disponibilité et sa passion communicative.

Crédits photos : Aurélien Vialatte Photography / Krispy Pix / Luigi Studio / Mylène Vasseur / Alexis Oliva / Maxime Joulot Photographie / Alexis Goure